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Haute-Savoie : une expérimentation innovante pour dissuader les loups avec des balles en caoutchouc

Une méthode expérimentale inspirée de l’Italie

Depuis le printemps 2025, la Haute-Savoie tente une nouvelle approche pour faire face à la recrudescence des attaques de loups sur les troupeaux. Inspirée d’une expérience menée en Italie dans les Dolomites en 2021, cette méthode consiste à tirer des balles en caoutchouc de type « gomm-cogne » sur les loups, dans le but de les dissuader de s’approcher des animaux domestiques. Des équipes terrain, composées de lieutenants de louveterie et d’agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), traquent la silhouette grise à la jumelle pour tester cette technique dans les réserves de Passy et des Aiguilles-Rouges, en Haute-Savoie.

Le principe et les ambitions de l’expérimentation

L’objectif est simple : provoquer une peur suffisamment forte chez le loup pour qu’il évite à l’avenir la proximité des troupeaux. Selon l’éthologue suisse Jean-Marc Landry, à l’origine du projet français, cette démarche repose sur le principe que « un loup mort n’apprend pas ». Il espère que le trauma infligé par ces balles en caoutchouc pourrait conduire à un apprentissage par association ou à un conditionnement pavlovien, dans l’idée que le loup pourrait ainsi apprendre à ne pas s’approcher des zones peuplées de bétail. De plus, il évoque la possibilité de transmission d’un apprentissage social au sein des meutes.

Un suivi scientifique rigoureux

L’expérimentation, financée à hauteur de 245 000 euros par l’État sur trois ans, repose sur un dispositif scientifique précis. Deux loups ont été équipés de GPS en 2025, avec jusqu’à cinq autorisations délivrées. Les troupeaux de moutons sont également équipés de GPS pour permettre un suivi précis. Des observations nocturnes ont été réalisées sur 35 nuits, avec notamment deux tirs de balles en caoutchouc enregistrés cet été. À ce jour, aucun loup n’a été touché. Ce projet rassemble plusieurs partenaires, dont le Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie, la communauté de communes de la vallée du Mont-Blanc, l’INRAE, et l’IPRA.

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Une efficacité encore incertaine et des enjeux complexes

Si cette démarche séduite une partie du monde scientifique, sa réussite reste incertaine sur le terrain. La simple utilisation de traumatismes courts pourrait ne pas être suffisante pour modifier durablement le comportement des loups, surtout en l’absence de diminution de la pression sur les troupeaux. Par ailleurs, la transmission de l’apprentissage social au sein des meutes est encore une hypothèse non confirmée par des données concrètes, notamment en l’absence d’animaux touchés lors des premiers essais français. La question demeure également de savoir si ces loups haut-savoyards seront aussi « éduquables » que leurs homologues italiens ou si la prédation sur le bétail continuera de s’intensifier.

Le dilemme écologique et économique

Pour les éleveurs, cette expérimentation représente un espoir de voir leurs troupeaux enfin protégés. Cependant, si la méthode s’avère efficace, cela pourrait aussi avoir des conséquences sur la faune sauvage. La Haute-Savoie a déjà constaté que lorsque les loups se détournent des troupeaux, ce sont souvent les grands ongulés sauvages comme cerfs, chevreuils ou chamois qui en pâtissent, faisant ainsi déplacer le problème plutôt que le résoudre. La communauté rurale reste donc sceptique, soulignant que pendant que les expérimentations sont menées, les dégâts sur les troupeaux se poursuivent, sans avancée miracle pour soulager les éleveurs confrontés à cette problématique persistante.

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